« Un chapeau Borsalino dure toute une vie », je crois qu’il serait judicieux d’ajouter aujourd’hui que c’est la vie qui fait durer le Borsalino. Depuis plus de 150 ans maintenant, je suis un chapeau qui a réussi le pari fou de jouer dans la cour des grands en coiffant les têtes de nombreux personnages célèbres et charismatiques et même celle des enfants . Ahh !!! Je me réjouis de l’action des médias et de ma présence dans le 7ème art qui m’ont fait devenir l’un des chapeaux les plus emblématiques d’une société où l’on cherche à sortir du rang.
La naissance de la forme du chapeau Borsalino est déjà en soi un mythe :
Giuseppe Borsalino, l’homme à l’origine de mon histoire aurait puisé son inspiration pour concevoir mon modèle lors d’une manifestation où des émeutes ont eu lieu au moment de la 2ème phase du Risorgimento (processus de l’unification italienne). Des hommes qui portaient des chapeaux melon les perdirent au moment de se disperser à l’arrivée de la police, et dans la panique les écrasèrent, ce qui eut pour conséquence d’aplatir la calotte de leurs chapeaux ; d’autres, moins chanceux, seront rossés de coups de pieds à la tête. Observant tous ces chapeaux délaissés et maltraités dans les rues, mon créateur y trouva l’idée de former sur ma calotte le fameux pli de mon succès. Et pour finaliser ma forme typique, il décida de pincer l’avant de la calotte pour y former 2 petits creux permettant une prise en main plus aisée.
Je deviens alors un chapeau raffiné, de caractère, qui s’adapte à la plupart des silhouettes, et surtout un objet indissociable de certains acteurs du cinéma Hollywoodien, et symbole des gangsters des années 30 (et plus précisément des mafieux).
J’ai eu la chance de coiffer des figures emblématiques du cinéma, comme s’il était incontournable pour eux d’avoir besoin de moi pour incarner des personnages au caractère atypique, troubles ou solitaires. On me porte dans les films pour mon élégance, mais aussi et surtout pour mettre en avant la confiance et la maturité de l’homme qui me porte, et son caractère coriace.
C’est pourquoi j’obtiens une popularité extrême grâce à Humphrey Bogart qui incarne des rôles de détectives privés (dès 1940 dans Casablanca). Il devient l’icône du chapeau Borsalino. Je ferais partie intégrante de son image, tellement je sied parfaitement à son personnage d’homme public.
Et puis, le film « Borsalino » regroupant deux titans du cinéma français des années 70 me propulse sur le devant de la scène et me rend très célèbre. Alain Delon et Jean-Paul Belmondo incarnent deux figures de la pègre marseillaise des années 30 inspirées de Carbone et Spirito, caïds qui font régner un climat délétère. D’ailleurs, Marseille a longtemps souffert de cette réputation de cité du crime, comme l’équivalent français de Chicago. Ce film, et sa suite, « Borsalino and co », feront de moi un chapeau qui évoque merveilleusement le mythe du bandit à l’allure dandy, avec son costume 3 pièces, son imperméable et son caractère implacable. Le fedora fait alors partie de l’image populaire du mafieux.
Les prémices de cette représentation du gangster avait déjà eu lieu en 1932, lors de la sortie du film « Scarface » d’Howard Hawks (un remake a été réalisé en 1983 avec dans le rôle principal Al Pacino) où est évoqué la vie d’Al Capone, l’un des plus célèbres parrains de la mafia italienne de Chicago. En réalité, Al Capone, comme on peut le découvrir sur des photos d’archives, ne portait pas de fedora, mais un chapeau panama, qui est un chapeau de paille d’origine équatorienne, souple et léger, et qui a dans sa forme le style du chapeau borsalino. Mais peut-être portait-il un fedora en hiver et les jours de pluie ? Seul ses acolytes pourraient nous le révéler…
Autant dire que je suis un chapeau qui demeure fascinant et qui donnent en l’espace de quelques instants la possibilité de camper un personnage charismatique. En fait, je suis un chapeau qui a plusieurs casquettes : j’ai le choix entre être un accessoire qui reflète l’image d’un homme incorruptible qui fait justice, et être la coiffe qui incarne le malfrat, le bandit. On comprend mieux alors l’engouement des enfants pour me porter et improviser avec les copains des histoires qui mettent en scène des détectives et des voyous.
Indémodable, je suis porté de nos jours non seulement par des stars du cinéma mais aussi par des chanteurs et chanteuses
Des people m’adoptent très facilement en raison de mon incroyable adaptation à tous les genres de personnalité, garde-robe et morphologie.
Les femmes (Lady Gaga, Kate Moss) en sont le parfait exemple. Ma coupe, mes matières et mes choix de couleurs permettent d’obtenir un look chic, ultra-féminin, et qui s’acoquinent superbement avec des robes longues, des chemisiers cintrés et des vestes aux coupes classiques ou originales. Toutes les audaces semblent permises avec moi.
Les hommes (Johnny Depp, Pete Doherty) ont retrouvé une nouvelle façon de me porter. L’accessoire de mode par excellence qui permet l’affirmation de soi et une mise en avant d’une certaine virilité. Une allure ultra-classe ou décalée pour des hommes célèbres qui mélangent le classique avec leur costume 2 ou 3 pièces, avec des vêtements plus ou moins trash.
Rien de tel pour donner envie aux enfants de suivre la mouvance et ainsi s’approprier mon style et ma coupe à accommoder avec leurs tenues d’un genre classique et rétro, ou qui jouent plutôt avec les contrastes d’un look décalé.
Je suis donc utile à l’image des « people ». Il est de mon devoir de les remercier car ils me permettent de connaître encore et pour toujours le succès mondial qui me caractérise auprès des nouvelles générations. Ahh, que la vie est belle !